Oscar Molina

On peut trouver dans l'oeuvre de Molina des éléments qui vivent aussi dans l'oeuvre d'autres artistes: l'idée du passage du temps, la quotidienneté du regard, la nécessité de la lumière comme élément qui définit et limite l'oeuvre... Cependant tous ces aspects et beaucoup d'autres atteignent seulement chez lui des niveaux qui définissent son travail comme l'un des plus simples et énergiques du panorama actuel de la photographie.

Dans une série plus ancienne, Objetos, de la fin des années 80, Molina recueille comme dans des archives infinies, sans méthodologie définie, ces objets quotidiens qui faisaient partie de sa vie. Des objets déjà utilisés qui portent sur leur peau la trace du temps et de l'usage, et pour autant de tous ceux qui les ont saisis, utilisés et conservés: des petits crayons, une boîte d'aquarelle, des planches en bois,... Mais c'est dans la série Fotografías de un diario, au début de la décade des années 90, que l'artiste se développe amplement. Ce sont des images prises dans sa vie quotidienne, sans préparation préalable, comme les notes d'un journal qu'il n'écrirait jamais. Il n'y a pas de date qui les numérote et les place à un endroit concret, parfois il y a un texte qui les accompagne, à un même niveau de communication. L'idée est expliquée ainsi par Molina: "j'ai observé que j'avais cessé de sortir faire des photographies, et que j'avais commencé à faire des photographies quand je sortais". Il ne s'agit pas d'un journal autobiographique dans un sens strict, sinon d'annotations dans la marge du fait de vivre. Le pas suivant dans ce processus d'abandon de l'idée d'auteur comme axe de la création est la série Silencio Abierto (1996): une série de papiers photosensibles vierges, voilés par la lumière des lampes de la salle où ils sont exposés. Le résultat est un type de photographie qui rompt les règles de la reproductibilité.

Avec Photolatente (1998), il donne le pas définitif pour effacer le concept d'auteur. Le processus consiste en une invitation à de nombreuses personnes à réaliser des photographies et à ne pas les développer ni les voir, assumant la perte de l'autorité: ces images, une dans chaque enveloppe, sont vendues à d'autres personnes qui ne voient pas ce qu'ils achètent et qui peuvent le développer en suivant une méthode simple. Oeuvre unique, absence d'auteur, travail en groupe, achat à l'aveugle... des aspects qui tous situent à Molina non seulement en dehors du marché, mais dans les marges de la photographie, bien qu'au centre de la création.

Rosa Olivares
Extrait du texte pour le livre
: 100 fotógrafos españoles. Exit. Madrid. 2005

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